Convention collective nationale des personnels des activités hippiques

 

L’accord de méthode du 25 septembre 2018 relatif à la fusion des trois branches professionnelles (centres équestres, centres d’entraînement de chevaux de courses au trot et centres d’entraînement de chevaux de courses au galop) a deux objectifs.

 

Il s’agit :

 

- d’acter de la fusion des branches des centres équestres (16.400 salariés), des établissements d’entraînements de chevaux de courses de trot (1.601 salariés) et des établissements d’entraînement de chevaux de courses de galop (2.381 salariés),

 

- de définir les modalités de mise en place d’un nouveau dispositif conventionnel définissant les rapports entre les employeurs et les salariés de la nouvelle branche ainsi créée.

 

Le projet de rapprochement des champs conventionnels vise à :

 

- une simplification, une modernisation, une actualisation des textes conventionnels actuels,

 

- s’approcher au plus près de la réalité des métiers, du contexte économique des entreprises, des besoins des salariés et des spécificités sectorielles.

 

Le champ d’application de la convention collective nationale des personnels des activités hippiques a été défini comme suit :

 

« La présente convention détermine sur l’ensemble du territoire national, y compris les DROM, les rapports entre les salariés et les employeurs qui utilisent des équidés et dont les activités agricoles recouvrent la préparation et l’entrainement de ceux-ci en vue de leur exploitation et notamment :

 

- L’enseignement, animation et accompagnement des pratiques équestres tant sportive que de loisir et de travail ;

 

- La location, la prise en pension, le débourrage et le dressage, valorisation, exploitation des chevaux de sport, de loisir, de courses ou de travail ;

 

- L’entrainement des chevaux de courses au trot ou au galop. »

 

Le rapprochement des trois conventions collectives applicables n’implique pas une uniformisation de l’ensemble des dispositions conventionnelles, mais la constitution d’un socle conventionnel commun et le maintien d’identités et de spécificités sectorielles (notamment les salaires) à travers trois annexes (annexe centres équestres, annexe Trot et annexe Galop).

 

A la demande de l’Association France débourrage, les débourreurs et pré-entraineurs entreront dans le cadre de la nouvelle convention collective.

 

Durant ces cinq dernières années, les discussions ont porté sur le socle commun : création de postes de cadres, notamment celui d’entraîneur particulier, égalité de traitement, égalité femme-homme, médecine du travail, sécurisation du travail du dimanche, suppression de limite pour le nombre de dimanches travaillés, disparition de la notion du volontariat pour travailler le dimanche, rémunération fixée à 100 % du salaire correspondant aux heures travaillées le dimanche, aménagement et annualisation du temps de travail, congés pour événements familiaux, prime d’habillement…

 

Comme le Groupement Hippique National (GHN) est doté d’un service juridique, il rédige les textes en concertation avec le Syndicat des Entraîneurs, Drivers et Jockeys de Trot (SEDJ) et l’Association des Entraîneurs de Galop (AEDG).

 

* * *

 

Le 16 novembre 2023, la convention collective nationale des personnels des activités hippiques, a été signée par le Groupement Hippique National (GHN), l’Association des Entraîneurs de Galop (AEDG), le Syndicat des Entraîneurs, Drivers et Jockeys de Trot (SEDJ) et les organisations syndicales de salariés rattachées à la CFTC, à la CFE-CGC et à la CGT-FO.

 

Cette nouvelle convention collective, dont l’identifiant (Identifiant De la Convention Collective) est le numéro 7026, se substituera aux trois conventions collectives suivantes :

 

- la convention collective nationale concernant le personnel des centres équestres du 11 juillet 1975,

 

- la convention collective nationale de travail concernant le personnel occupé dans les établissements d’entraînement de chevaux de courses au trot du 9 janvier 1979,

 

- la convention collective nationale des établissements d’entraînement de chevaux de courses au galop du 11 janvier 2019.

 

La Fédération Française d’Equitation (FFE), signataire en tant qu’organisation patronale à la convention collective nationale des centres équestres, n’est pas partie à l’élaboration de la convention collective nationale des personnels des activités hippiques.

 

En effet, la Fédération Française d’Equitation (FFE) n’est pas une organisation professionnelle d’employeurs (arrêt de la 7e chambre de cour administrative d’appel de Paris du 24 avril 2019, RG n°18PA02192).

 

L’arrêté du 27 décembre 2017 du ministre du travail a fixé la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale du personnel des centres équestres : la seule organisation représentative est le Groupement Hippique National (GHN).

 

* * *

 

La Fédération Française d’Equitation (FFE) a demandé l’annulation de cet arrêté. Elle a revendiqué sa propre inscription sur la liste, soutenant qu’elle est une organisation professionnelle d’employeurs et qu’elle remplit l’ensemble des critères de représentativité.

 

Le début de la motivation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris est logique : « nonobstant la circonstance qu’un établissement équestre puisse faire le choix de ne pas adhérer à la FFE […] elle ne saurait être regardée comme ayant exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits et des intérêts de ses adhérents ». En effet, la représentation des intérêts professionnels des clubs affiliés n’est pas la fonction première d’une fédération.

 

La suite de la motivation de la cour administrative d’appel de Paris est plus surprenante : « ni disposer de l’indépendance à l’égard des pouvoirs publics requise pour constituer un syndicat professionnel ».

 

Or, selon l’article L. 131-1 du Code du sport, « Les fédérations sportives ont pour objet l’organisation de la pratique d’une ou de plusieurs disciplines sportives. Elles exercent leur activité en toute indépendance. »

 

Cela signifierait-il que la Fédération Française d’Equitation (FFE) dépende des pouvoirs publics pour négocier « les rapports entre les salariés et les employeurs disposant d’installations équestres, d’équidés ou de l’un ou de l’autre séparément et dont les activités d’équitation recouvrent l’enseignement, l’animation et l’accompagnement des pratiques équestres, ainsi que la location, la prise en pension et le dressage des équidés » (cf. article 1er de la convention collective nationale du personnel des centres équestres) ?

 

A contrario, pourquoi la Fédération Française d’Equitation (FFE) négocierait-elle la future convention collective, alors que la Fédération Nationale des Courses Hippiques (FNCH) n’y participe pas, n’étant pas reconnue comme organisation professionnelle d’employeurs ?

 

Par un pourvoi enregistré le 24 juin 2019, au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, la Fédération Française d’Equitation (FFE) a demandé au Conseil d’État :

 

- d’annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 24 avril 2019,

 

- réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa requête,

 

- de mettre à la charge l’État la somme de 4.500 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

 

Le 22 novembre 2021, les 4e et 1re chambres réunies du Conseil d’État ont rendu une importante décision n°431927, qui est mentionnée aux tables du recueil Lebon.

 

En voici un extrait :

 

« Considérant ce qui suit :

 

1. Aux termes de l’article L. 2152-6 du code du travail : « Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives par branche professionnelle (...) ». En application de ces dispositions, la ministre du travail a pris, le 27 décembre 2017, un arrêté fixant la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective du personnel des centres équestres. L’article 1er de cet arrêté reconnaît une seule organisation professionnelle comme représentative dans le champ de cette convention, le Groupement hippique national (GHN). Par l’arrêt attaqué du 24 avril 2019, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté la requête en annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté présentée par la Fédération française d’équitation qui avait, en vain, demandé à figurer parmi les organisations professionnelles d’employeurs reconnues comme représentatives dans le champ de cette convention. La Fédération française d’équitation se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

 

2. D’une part, aux termes de l’article L. 2131-1 du code du travail les syndicats professionnels « ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ». Aux termes de l’article L. 2231-1 du code du travail : « La convention ou l’accord est conclu entre : / - d’une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d’application de la convention ou de l’accord ; / - d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d’employeurs, ou toute autre association d’employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement. / Les associations d’employeurs constituées conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, qui ont compétence pour négocier des conventions et accords, sont assimilées aux organisations syndicales pour les attributions conférées à celles-ci par le présent titre ».

 

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 2151-1 du code du travail : « I. - La représentativité des organisations professionnelles d’employeurs est déterminée d’après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L’indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s’apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; / 5° L’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience ; / 6° L’audience, qui se mesure en fonction du nombre d’entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4. / II. - Pour l’application du présent titre, sont considérées comme des organisations professionnelles d’employeurs les syndicats professionnels d’employeurs mentionnés à l’article L. 2131-1 et les associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1 ». Aux termes de l’article L. 2152-1 du code du travail : « Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d’employeurs : / 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 2151-1 ; / 2° Qui disposent d’une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs de la branche satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l’article L. 2152-5, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre d’entreprises adhérant à ces organisations ainsi que le nombre de leurs salariés sont attestés, pour chacune d’elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l’organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l’audience s’effectue tous les quatre ans (...) ».

 

4. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 qu’une association d’employeurs constituée conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association doit, pour pouvoir être reconnue comme étant une organisation professionnelle d’employeurs représentative dans une branche professionnelle, se voir donner compétence par ses statuts, à travers l’objet social qu’ils définissent, pour négocier des conventions et accords, peu important, à la différence des syndicats professionnels, qu’elle n’ait pas exclusivement pour objet la défense des droits ainsi que des intérêts professionnels de ses adhérents.

 

5. Par suite, en jugeant, après avoir relevé que la Fédération française d’équitation est une association régie par la loi du 1er juillet 1901 dont l’objet est notamment, aux termes de ses statuts, la représentation de ses adhérents et la défense de leurs intérêts, que la fédération ne saurait être regardée comme une organisation professionnelle d’employeurs faute d’avoir exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits et des intérêts de ses adhérents, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit.

 

6. En second lieu, outre le respect des exigences prévues par les dispositions du code du travail mentionnées au point 2, une organisation professionnelle d’employeurs doit, pour être reconnue comme représentative dans le champ d’une branche professionnelle, remplir les critères mentionnés aux articles L. 2151-1 et L. 2152-1 du code du travail, cités au point 3, au nombre desquels figure celui de l’indépendance.

 

7. Il s’ensuit qu’en retenant un défaut d’indépendance de la fédération à l’égard des pouvoirs publics pour refuser de la regarder comme une organisation professionnelle, alors que le critère de l’indépendance n’est pas de nature à remettre en cause cette qualité mais participe à l’appréciation de son éventuelle représentativité, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit.

 

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la ministre du travail est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

 

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

 

Sur la légalité externe de l’arrêté attaqué :

 

10. Aux termes du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : « A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l’acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d’Etat et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° Les (...) directeurs d’administration centrale (...) ». En vertu de ces dispositions, M. I... N..., nommé par décret du 27 juillet 2016 publié au Journal officiel du 28 juillet 2016 directeur adjoint à la direction générale du travail à compter du 1er septembre 2016, avait qualité pour signer l’arrêté attaqué au nom de la ministre du travail. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée ne peut qu’être écarté.

 

Sur la légalité interne de l’arrêté attaqué :

 

11. La satisfaction au critère de l’indépendance, mentionné à l’article L. 2151-1 du code du travail cité au point 3, par une organisation professionnelle d’employeurs suppose de vérifier que les conditions de son organisation, de son financement et de son fonctionnement permettent d’assurer effectivement la défense des intérêts professionnels qu’elle entend représenter, notamment dans le cadre de la négociation des conventions et accords collectifs. Ce critère implique, en particulier, l’indépendance de l’organisation professionnelle d’employeurs vis-à-vis des pouvoirs publics.

 

12. Aux termes de l’article L. 131-9 du code du sport dans sa rédaction applicable au litige : « Les fédérations sportives agréées participent à la mise en œuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives. / Elles ne peuvent déléguer tout ou partie de l’exercice des missions de service public qui leur sont confiées si ce n’est au bénéfice des ligues professionnelles constituées en application de l’article L. 132-1. ( ...) ». Aux termes de l’article L. 131-14 du même code : « Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports. (...) ». En vertu du 1° de l’article L. 131-15 du même code, les fédérations délégataires " organisent les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux ". Aux termes de l’article L. 131-16 du même code : « Les fédérations délégataires édictent : / 1° Les règles techniques propres à leur discipline ainsi que les règles ayant pour objet de contrôler leur application et de sanctionner leur non-respect par les acteurs des compétitions sportives ; / 2° Les règlements relatifs à l’organisation de toute manifestation ouverte à leurs licenciés ; / 3° Les règlements relatifs aux conditions juridiques, administratives et financières auxquelles doivent répondre les associations et sociétés sportives pour être admises à participer aux compétitions qu’elles organisent. Ils peuvent contenir des dispositions relatives au nombre minimal de sportifs formés localement dans les équipes participant à ces compétitions et au montant maximal, relatif ou absolu, de la somme des rémunérations versées aux sportifs par chaque société ou association sportive. (...) ».

 

13. En confiant, à titre exclusif, aux fédérations sportives ayant reçu délégation la mission d’organiser des compétitions sur le territoire national, le législateur a chargé ces fédérations de l’exécution d’une mission de service public à caractère administratif, pour l’exercice de laquelle elles disposent de prérogatives de puissance publique. Il appartient au ministre chargé des sports de déterminer, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, la fédération sportive à laquelle il accorde, pour une discipline sportive déterminée, parmi les fédérations sportives agréées, la délégation prévue à l’article L. 131-14 du code du sport. La délégation est accordée pour une durée limitée, avec pour échéance l’année où se déroulent les Jeux Olympiques. Elle peut être retirée avant ce terme par le ministre chargé des sports, notamment pour tout motif d’intérêt général tenant à la promotion et au développement des activités physiques et sportives.

 

14. Il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement des dispositions de l’article L. 131-14 du code du sport, la Fédération française d’équitation, fédération agréée, a reçu délégation du ministre chargé des sports. Ainsi chargée d’une mission de service public administratif et dotée de prérogatives de puissance publique, elle ne peut être regardée comme indépendante des pouvoirs publics et comme satisfaisant, par suite, au critère de l’indépendance exigé par l’article L. 2151-1 du code du travail pour lui reconnaître le caractère d’organisation professionnelle d’employeurs représentative. Il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions énoncées par les dispositions citées au point 3 sont remplies, la fédération requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté qu’elle attaque serait illégal faute de l’avoir incluse dans la liste des organisations professionnelles d’employeurs représentatives dans le champ de la convention collective nationale du personnel des centres équestres.

 

15. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération française d’équitation n’est pas fondée à demander l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 27 décembre 2017.

 

16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat qui, dans la présente instance, n’est pas la partie perdante. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Fédération française d’équitation une somme de 3.000 euros à verser au Groupement hippique national au titre de ces mêmes dispositions. »

 

Le Conseil d’État décide :

 

« Article 1er : L’arrêt n°18PA02192 de la cour administrative d’appel de Paris du 24 avril 2019 est annulé.

 

Article 2 : La requête présentée par la Fédération française d’équitation devant la cour administrative d’appel de Paris est rejetée.

 

Article 3 : La Fédération française d’équitation versera au Groupement hippique national une somme de 3.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la Fédération française d’équitation est rejeté.

 

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française d’équitation, au Groupement hippique national et à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. »

 

Il ressort de cette décision qu’une fédération sportive délégataire ne peut pas être qualifiée d’organisation patronale représentative.

 

Le Conseil d’État considère que la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit.

A la différence des syndicats professionnels, une association d’employeurs est « constituée conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ».

Dès lors, elle « doit, pour pouvoir être reconnue comme étant une organisation professionnelle d’employeurs représentative dans une branche professionnelle, se voir donner compétence par ses statuts, à travers l’objet social qu’ils définissent, pour négocier des conventions et accords ».

Il n’est pas nécessaire qu’une association d’employeurs ait pour objet exclusif la défense des droits et des intérêts professionnels de ses adhérents afin d’être qualifiée d’organisation patronale, mais aussi pour être reconnue comme représentative.

 

S’agissant de la question de l’indépendance de la Fédération Française d’Equitation (FFE) à l’égard des pouvoirs publics, le Conseil d’État indique que le critère de l’indépendance, s’il n’est pas rempli, n’est pas de nature à remettre en cause, à lui seul, la représentativité d’une association. Il participe néanmoins de l’appréciation de la représentativité et, à ce titre, son examen est essentiel.

 

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État souligne que « ce critère implique, en particulier, l’indépendance de l’organisation professionnelle d’employeurs vis-à-vis des pouvoirs publics ».

Or, tel n’est pas le cas des fédérations sportives délégataires, chargées par le législateur « de l’exécution d’une mission de service public à caractère administratif, pour l’exercice de laquelle elles disposent de prérogatives de puissance publique ».

 

Par conséquent, la Fédération Française d’Equitation (FFE) « ne peut être regardée comme indépendante des pouvoirs publics et comme satisfaisant, par suite, au critère de l’indépendance exigé par l’article L. 2151-1 du Code du travail pour lui reconnaitre le caractère d’organisation professionnelle d’employeurs représentative ».

 

La Fédération Française d’Equitation (FFE) est infondée à demander l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté fixant les organisations patronales représentatives dans la branche.

 

Soulignons que cette décision du Conseil d’État apporte une nouvelle contribution à l’objet des fédérations sportives. Souvent parties prenantes des relations sociales dans le sport, elles ne sauraient cumuler les qualités d’organisatrices des compétitions sportives et d’organisations patronales représentatives en mesure de négocier et conclure des conventions et accords collectifs de branche susceptibles d’extension.

 

* * *

 

Un avis relatif à l’extension de la convention collective nationale des personnels des activités hippiques a été publié au Journal Officiel du 13 mars 2024.

 

En application des articles L. 2261-15 et suivants et R. 2231-1 du Code du travail, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire envisage de prendre un arrêté tendant à rendre obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés entrant dans son champ d’application, les dispositions de la convention collective nationale des personnels des activités hippiques du 16 novembre 2023.

 

L’entrée en vigueur de cette convention collective est prévue pour le 1er juin 2024.

Exercice d’une activité sportive pendant un arrêt maladie

  

Dans un arrêt du 1er février 2023 (pourvoi n°21-20526, inédit), la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que l’exercice par une salarié d’une activité sportive, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, sans aggravation de son état de santé, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt maladie.

 

Le 29 septembre 2006, un opérateur de contrôle a été embauché par l’EPIC Régie autonome des transports parisiens (la RATP).

 

L’agent de la RATP a été placé en arrêt de travail pour maladie entre octobre 2016 et novembre 2017.

 

Au cours de ses cinq arrêts de travail prescrits pour des douleurs aux poignets, au bras et/ou au cou, il a participé à 14 compétitions de badminton.

 

Le 7 décembre 2017, l’agent de la RATP a été convoqué à un entretien préalable qui s’est tenu le 21 décembre 2017.

 

Le salarié a été convoqué à un conseil de discipline du 2 février 2018 et a été révoqué le 13 février 2018 pour faute grave (manquement à l’obligation d’exécuter son contrat de travail de bonne foi et manquement à son obligation de loyauté).

 

Il est reproché au salarié d’avoir participé, alors qu’il était en arrêt de travail pour maladie, à des compétitions de badminton.

 

En effet, si la maladie entraîne la suspension du contrat de travail, le salarié reste néanmoins tenu envers son employeur à une obligation de loyauté.

 

Contestant sa révocation, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de PARIS.

 

Par jugement du 27 mai 2019 (RG n°18/06415), la formation paritaire du conseil de prud’hommes de PARIS l’a débouté de l’ensemble de ses demandes.

 

Le salarié a interjeté appel de ce jugement le 10 octobre 2019.

 

Par arrêt du 9 juin 2021 (RG n°19/10260), la cour d’appel de PARIS s’est notamment prononcée sur la révocation du salarié.

 

Elle rappelle que « la révocation d’un agent de la RATP, prononcée sans que l’une des causes limitativement énoncées par le statut du personnel soit constituée, est dépourvue de cause réelle et sérieuse, mais n’est pas atteinte, pour cette seule raison, de nullité en l’absence de disposition légale ou statutaire prévoyant cette sanction ».

 

Le salarié ne conteste pas sa participation à des compétitions de badminton, mais fait valoir qu’il ignorait que cette activité lui était interdite pendant son arrêt de travail.

 

La cour d’appel de PARIS précise que « l’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ».

 

La notion d’obligation de loyauté, définie par les juges, s’apprécie in concreto et repose sur l’objectif de ne pas nuire à l’employeur.

 

La juridiction du second degré ajoute que « pour fonder un licenciement, l’acte commis par le salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise ».

 

En l’occurrence, la RATP n’établit pas que la participation du salarié aux compétitions de badminton lui aurait porté préjudice.

 

Les juges du second degré précise que « le seul fait de verser au salarié des indemnités en raison de son arrêt de travail ne suffit pas à caractériser un préjudice pour l’employeur ».

 

En l’espèce, l’activité sportive du salarié n’était pas rémunérée.

 

En outre, les juges du second degré relèvent qu’il n’est pas démontré que la participation aux compétitions de badminton aurait eu pour conséquence d’aggraver l’état de santé du salarié et de prolonger ses arrêts de travail.

 

La juridiction du second degré en a déduit que la participation régulière du salarié à des compétitions de badminton pendant ses arrêts de travail ne caractérisait pas un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de l’arrêt de travail.

 

Par conséquent, la cour d’appel de PARIS a jugé que la participation du salarié à des compétitions de badminton n’était pas constitutive d’une faute grave.

 

Il s’en déduit que la révocation du salarié n’est pas nulle mais est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

 

La juridiction du second degré a ainsi fait droit aux demandes du salarié au titre de l’indemnité de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité légale de licenciement.

 

Elle a également alloué au salarié la somme de 22.000 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation sans cause réelle et sérieuse, « compte tenu de l’effectif de l’entreprise, du montant de la rémunération versée au salarié, (2.797,22 euros), de son âge, de son ancienneté (11 années), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies ».

 

Aussi, la cour d’appel de PARIS a infirmé le jugement du 10 octobre 2019.

 

La RATP a alors formé un pourvoi en cassation.

 

Dans un arrêt du 1er février 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a apprécié les activités du salarié au cours de son arrêt de travail pour maladie afin de savoir si elles constituaient ou non une violation de l’obligation de loyauté envers son employeur.

 

La Cour de cassation affirme que « l’exercice d’une activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ».

 

Elle rappelle la nécessité d’un préjudice : « pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise ».

 

La Cour de cassation reprend la motivation de l’arrêt de la cour d’appel de PARIS sur l’absence de caractérisation du préjudice : « ce préjudice ne saurait résulter du seul maintien intégral du salaire, en conséquence de l’arrêt de travail, assumé par l’employeur qui assure lui-même le risque maladie de ses salariés ».

 

Dès lors que la participation à des compétitions de badminton n’a pas aggravé l’état de santé du salarié ou n’a pas prolongé ses arrêts de travail, il n’est pas établi que cette activité sportive aurait causé un préjudice à l’employeur.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel qui « a exactement déduit que ces faits ne caractérisaient pas un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de l’arrêt de travail et n’étaient pas constitutifs d’une faute grave ».

 

Par conséquent, la Haute Juridiction a rejeté les pourvois.

 

 

Un rapprochement de cette décision peut être effectué avec un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 20 février 2019 (pourvoi n°17-18912, publié au Bulletin).

 

Dans ce dernier arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé que « pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté ».

 

En l’occurrence, un basketteur professionnel a été embauché pour les saisons 2013, 2014, 2015 et 2016.

 

Entre les mois de février et juin 2015, le basketteur professionnel a été placé en arrêt de travail consécutif à un accident du travail constitué par une blessure des muscles abdominaux.

 

Par lettre recommandé du 28 mai 2015 avec demande d’accusé de réception, l’employeur a demandé au basketteur professionnel de reprendre ses séances de kinésithérapie qui font partie intégrante de ses obligations de joueur professionnel.

 

Cette lettre a été retournée par La Poste avec la mention « pli avisé et non réclamé », ce qui démontre que le salarié, loin d’avoir passé un simple week-end prolongé chez ses parents comme il le soutient, avait été durablement absent de son domicile.

 

Selon l’article 12.3 de la convention collective nationale du sport, l’objet même du contrat de travail du sportif professionnel comporte la mise à disposition de son employeur, contre rémunération, de ses compétences, de son potentiel physique et de ses acquis techniques et tactiques, le temps de préparer et de réaliser une performance sportive dans le cadre d’une compétition ou d’un spectacle sportif.

 

La convention collective de la branche du basket du 12 juin 2005, précise à ce sujet, en son article 8.2 - Objet du contrat, que le contrat est conclu pour l’activité de joueur de basket dans les compétitions professionnelles, ce qui implique la participation du joueur à toutes activités sportives, matches, entraînements, stages permettant le maintien de l’état physique permettant l’exercice normal du sport de compétition.

 

L’article 10.1 - Obligations du joueur de cette même convention collective ajoute que le joueur s’engage à soigner sa condition physique, doit respecter strictement les instructions de tout membre de la direction technique du club dûment habilité et le plan de préparation physique, et s’engage à adopter l’hygiène de vie qui s’impose à sa profession sportive.

 

Cette spécificité du métier de sportif professionnel, confirmée par le fait que l’employeur a maintenu l’intégralité de la rémunération durant les périodes d’arrêt, oblige le salarié à la fois à s’astreindre à une préparation physique adaptée et, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique.

 

Cette dernière obligation subsiste même durant la période d’arrêt de travail consécutive à un accident du travail.

 

Estimant que le basketteur professionnel a manqué à cette obligation en n’honorant pas le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant et en ne demeurant pas à la disposition du kinésithérapeute pour suivre ce protocole de soins, l’employeur l’a convoqué le 15 juin 2015 à un entretien préalable prévu le 25 juin 2015.

 

Le 30 juin 2015, le salarié a été licencié pour faute grave.

 

Dans un arrêt du 30 mars 2017 (RG N°16/00445), la cour d’appel de DIJON a jugé que l’obligation pour le sportif professionnel née d’une disposition de son contrat de travail selon laquelle « Le joueur devra soigner sa condition physique pour obtenir le meilleur rendement possible dans son activité. Il devra respecter strictement les instructions de tout membre de l’encadrement technique et du président du Club. » et des articles 10.1 et 8.2 de la convention collective de la branche du basket de se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique en cas de blessure subsistait même durant la période d’arrêt de travail consécutive à un accident du travail.

 

En l’espèce, les juges du second degré ont retenu que la spécificité du métier de sportif professionnel obligeait le salarié, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique.

 

Or, ils ont constaté que pendant la période d’arrêt de travail consécutive à son accident du travail, le basketteur professionnel n’avait pas honoré le rendez-vous destiné à organiser les séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe.

 

En outre, le basketteur professionnel n’était pas demeuré à la disposition du kinésithérapeute pour suivre le protocole de soins.

 

La juridiction du second degré a estimé que le suivi des soins était d’autant plus impérieux que le salarié souffrait depuis plusieurs mois de douleurs abdominales suffisamment importantes et récurrentes pour, selon les articles de presse qu’il communique, affecter gravement ses performances sportives alors qu’il était jusque-là le meilleur rebondeur de l’équipe.

 

Les juges du fond ont également retenu que dans la mesure où le contrat de travail du basketteur professionnel devait s’exécuter durant encore une saison, son employeur pouvait légitimement s’inquiéter de son retour durable à son meilleur niveau dans des conditions propres à prévenir toute rechute.

 

Dans ce contexte, les manquements du salarié, notamment à son obligation de loyauté, ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail.

 

La Cour de cassation a approuvé cette décision.